22.04.2007
Gironella pousse le bouchon
Je vous dis pas la lumière sur Lyon, vendredi dernier ! On se serait cru dans le tableau d’un paysagiste italien. J’ai pas eu le temps de voir le jardin de Rosa Mir mais celui d’attraper un coup de soleil entre Saône et Rhône en me rendant place Gailleton à la Galerie Dettinger-Mayer pour les derniers feux de l’expo Nuvish, un dessinateur pas brut mais tout de même bien troublant.
Dans le tégévé de retour, je lis ce poème de Joaquim Vicens Gironella et comme je suis très snobe, je le lis dans sa langue, vous en faisant profiter illico :
cantaba la libertad,
cantaba los finos amores,
las fiestas, todo lo que da »
in Le Génie du liège
(Les Friches de l’Art, 1994)
Gironella, vous vous souvenez, c’est cet ouvrier bouchonnier catalan que Dubuffet a repéré quand il était encore marchand de pinard. A l’époque les bouteilles de jaja n’étaient pas closes par une saloperie de morceau de résine synthétique qui refuse de rentrer dans le goulot une fois ôté. Les flacons où l’on puisait l’ivresse étaient agrémentés d’honnêtes bouchons de vrai liège.
A force de se servir de ce matériau, Gironella s’était mis à réaliser des sculptures et des tableaux en liège que Dubuffet exposa et préfaça en 1948. L’anguille sous la roche –car vous vous doutez bien qu’il y en a une et que je vous parle pas de Giro pour des prunes– c’est qu’Objet Trouvé consacre sa prochaine expo à ce créateur des aurores brutes.
Plutôt que de vous répéter ce que vous trouverez tous seuls sur le site de cette galerie et puisque Gironella est aussi l’auteur de gravures, je préfère vous abreuver de quelques images provenant de publications pas courantes du tout parce qu’à tirages très limités.
Par exemple : Lièges et poésies, recueil de Gironella préfacé par Patrick Stefanetto (Alain Sanchez, 1976) et le somptueux recueil de poèmes en catalan : Exaltacio del Suro I dels Tapers imprimé sur feuilles de liège (!) en 1990 à Perpignan pour Llibres del Trabucaire.
23:55 Publié dans Ecrits, Expos, Images, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Joaquim Vicens Gironella, Jardin de Rosa Mir, art brut | | Imprimer | | |
19.04.2007
Votez fou !
Filez tout de suite au fond avant le couloir aux CD, c’est là que j’ai dégotté le bouquin de Bruno Fuligni, indispensable en ces temps de prise de chou électorale.
Votez fou ! qu’il s’appelle et il ne s’agit (quel repos!) ni de Spirou, ni de Chabichette, ni du Neuneu, ni du Bouffon, encore moins de la Peste et du Choléraciste.
Non, l’auteur a eu la bonne idée de réunir tous les «candidats bizarres, utopistes, mystiques, marginaux, farceurs et farfelus» qui se sont illustrés de 1848 à nos jours. C’est aux Editions Horay et c’est paru en février 2007.
Je vous en parlerais pas si ça se contentait de traiter de Coluche, de Mouna, de Maurice Mercante ou même du trop fameux Ferdinand Lop mais c’est plein de repros d’introuvables documents franchements croquignolets : bulletins de vote excentriques, professions de foi exaltées ou farfelues, programmes malicieux, déclarations en vers et contre tout.
Et puis il est question (page 27) de Xavier Cotton dit Fulmen-Cotton, «curé défroqué, clochard schismatique, fou à lier» dont le Dr Rogues de Fursac, en 1905, dans un des premiers bouquins scientifiques traitant de l’art des aliénés, Les Ecrits et les dessins dans les maladies mentales et nerveuses, reproduisait les dessins-affiches plébiscitaires et pontificaux.
01:55 Publié dans Ecrits, Jadis et naguère, Poésie naturelle | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Fulmen Cotton, Rogues de Fursac, art brut | | Imprimer | | |
16.04.2007
Des expos à la pelle
Si vous en avez plein le dos de Cheval, votre petite âme errante, qui est une mère pour vous, peut vous driver sur une foultitude de nouvelles expos dont elle n’aura jamais le temps de parler sérieusement mais qui méritent mention.
En ces périodes électorâles la Fâme se porte bien. A la Galerie Brissot et Linz, dans les bô quartiers (48, rue de Verneuil Paris 7e) et jusqu’au 21 avril 2007, on nous promet «trois femmes pour ouvrir un point de vue singulier sur le monde…».
Je connais le travail de l’une d’elle, Sandra Martagex, qui il y a une dizaine d’années s’était fait remarquer comme un(e) jeune peintre prometteur avant de se faire plus discrète après la naissance d’un bébé. Elle travaille toujours «ce qui se fluidifie, ce qui coule dans le corps» (je cite le carton) et c’est une bonne surprise de la retrouver.
Au Musée de Sérignan (34410), j’aurais bien aimé voir Dado rencontrer Dubuffet. Tu parles d’un match ! Hélas, il s’est terminé le 15 avril. Vérifiez, y’a peut-être un catalogue.
Pour ceux qui ont des RTT de rab, la foire de Bruxelles est tout indiquée (20-23 avril 2007, vernissage le 19).
Vous y retrouverez par exemple, sur le stand de la Galerie Andrew Edlin (of New York) de vieilles connaissances (Henry Darger) et des découvertes comme Charles Steffen qui dessine d’étranges créatures reptiliennes sur de longs papiers bruns. «His highly original figures are characterized by curiously caricatured features including large, bulbous eyeballs, thick, gnarled fingers, and skin scored with deep creases and squared off with reptilian-like scales».
Puisqu’on vous le dit !
Propulsez-vous encore, si le cœur vous en dit, au MIAM de Sète pour 1000 pavois ? Pas de panique, c’est jusqu’au 3 juin.
Puis mes penchants aristocritiques vous enverront voir si j’y suis au Château du Tremblay à Fontenoy en Bourgogne (89520) pour Créateurs singuliers (je sais, le Centre Régional d’Art Contemporain aurait pu trouver mieux comme titre) si vous aimez (entre autres) Jean Linard, Pascal Verbena et Simone Le Carré-Galimard.
01:00 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Charles Steffen, Simone Le Carré Galimard, art brut | | Imprimer | | |
15.04.2007
Cheval et ses poulains au musée
Les facteurs sont sympas. Même ceux qui ressemblent pas à Spirou. Question bonne bouille, Ferdinand Cheval était plutôt du genre émacié mais y’en a que ça inspire. La preuve cette invitation de Rancillac pour l’actuelle expo du Musée de la poste à Paris (6 avril/1er septembre 2007). Vous pouvez dire qu’il s’est pas foulé le Bernard à superposer le portrait du facteur à une image de canasson, vous verrez qu’elle fera son petit effet.
Votre petite âme errante a traîné dans cette expo une copine de bureau qui a trouvé «kitschissimes» les objets de Paul Amar.
Parce que, j’ai oublié de vous signaler, que ladite expo s’intitule Avec le Facteur Cheval et qu’on y voit non seulement Cheval mais aussi «ses poulains» comme le remarque Edouard Launet dans Libé du 11 avril.
Si j’avais pas à éplucher mes pommes, mes poires et mes scoubidous pour faire la compote du dimanche je vous énumérerais toutes les autres autres vedettes «cavalant» autour du Palais imaginaire : Etienne-Martin et son Escalier, Niki, Tinguely et le Cyclop,
l’excentrique milliardaire Edward James et son Jardin d’Eden surréaliste construit en pleine jungle mexicaine,
Jacques Warminski et son Hélice terrestre que vous pourrez voir en live un de ces 4 ouikènes en vous rendant, si vous avez pas peur des troglos, à l’Orbière dans le Maine-et-Loire.
Retrouvez tout ce beau monde dans le catalogue attrayant et qui sent bon l’imprimerie.
Dans une première partie d’Hommages, vous aurez pour le prix (20 €) les clichés des grands photographes qui se sont succédés sur le monument : Denise Bellon, Robert Doisneau, Gilles Ehrmann, Lucien Hervé, Clovis Prévost. Et puis, moi ce que j’aime bien c’est que les textes de Josette, Eric, Christophe, Claude et Clovis (Rasle, Le Roy, Bonin, Prévost) sont poivrés de chouettes documents rares : souvenirs des visites de Matta, de Breton, d’Ernst, photo de D. Bellon montrant Colette Brunius sous les regards bienveillants ou amoureux du rondouillard André Delons et du svelte Jacques Brunius.
To whom who do not read french, please note that all the texts of With Facteur Cheval are translated in english.
See you later, animulators !
17:55 Publié dans Expos, Images, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, Ferdinand Cheval, Paul Amar, Jacques Warminski, Edward James, Jacques B Brunius | | Imprimer | | |
13.04.2007
Art brut : le réveil des marteaux
Le bidonville se porte bien. Gaston Chaissac de Bidonville. Son Locataire du premier, un tableau de 1956, vient de battre un record mondial. Un record phynancier bien sûr. Ce sont les seuls qui intéressent la Gazette de l’Hôtel Drouot où j’ai trouvé cette info qui en vaut bien une autre. 250.000 €.
Dans une vente Arcu du 3 avril 2007.
Faut remonter au 27 octobre 1990 (vous étiez minotte encore !) pour le précédent crevage de plafond avec un Autoportrait au perroquet : 198.600 € réactualisés. Une misère ! Avec des actions pareillement à la hausse, vous vous étonnerez pas que les commissaires-priseurs fassent dans le Chaissac en-veux-tu, en-voilà.
C’est que les œufs de Pâques a peine digérés, c’est le réveil des marteaux dans l’hexagone.
A Louviers, la patrie du gentil mosaïste Robert Vasseur (profitez-en pour aller voir sa maison),
dimanche prochain, le 15 avril à 14h15, une vente publique des photographies de Gilles Ehrmann (Jean Emmanuel Prunier E.U.R.L.) se pare d’une pub reproduisant le fameux Chaissac masqué au bouquet.
A Paname, la fameuse vente Tajan Art brut/Art naïf se profile pour le mercredi 18 avril 2007. Sans vouloir vous mettre la pression, bougez-vous les fesses si vous voulez aller voir l’expo. Reste plus que lundi 16 et mardi 17, c’est dans l’immense «cathédrale» du 37 rue des Mathurins dans le 8e. A l’heure du déjeuner vous serez tranquille comme Baptiste, la dame de l’accueil passe ses coups de fil et dans la salle un clerc somnole un peu devant son écran.
Vous y verrez un Chaissac évidemment (son «unique totem noir»), un petit crobart inachevé de Monsiel, deux Domsic, une poupée de Simone Le Carré-Galimard (avec 2 «L» dans le catalogue comme de juste), deux curieux totems de Michel Macréau, trois Schröder-Sonnenstern, deux Lesage, deux Crépin.
Rien de très bouleversant mais de quoi s’exercer l’œil. Dans la partie naïve, le n° 95 est un drôle de Van Der Steen qui se prend pour un Boix-Vives.
23:40 Publié dans Encans, Gazettes, Images, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, gaston chaissac, robert vasseur, gilles ehrmann, germain van der steen | | Imprimer | | |
10.04.2007
Unica et Louise
Une chance que mon daddy s’est occupé de mon courrier pendant mon absence ! La boîte aux lettres aurait explosé. Parmi tous les papiers, la revue Création Franche dont le n°27 contient un article de Bernard Chevassu consacré à Louise Fisher.
Ses voisins de Mulhouse la considéraient comme une sorcière. Son environnement d’art a été transporté tel quel à la Collection de Lausanne. L’article qui complète celui que Bernard Chevassu a donné en 1977 dans le fascicule 10 de L’Art brut (publication créée par Jean Dubuffet) apporte des précisions sur les conditions de ce transfert.
30 ans après, l’auteur reste baba devant le respect qui fut témoigné d’emblée à l’œuvre de cette grand-mère indomptable dont l’élan artistique avait été stoppé par une attaque de paralysie.
Un point cependant reste obscur. On comprend mal si c’est après avoir sauvé les sculptures de Louise Fischer (menacées alors d’imminente destruction) que Bernard Chevassu a rencontré celle-ci sur son lit d’hôpital ou si elle a pu donner son accord au sauvetage.
Ce qui expliquerait qu’elle ait mis son visiteur en garde contre la dangerosité du contact avec son "Tempus Edax Rerum", personnage à la faux et au sablier.
Autre temps fort de la revue de Bègles, un long article de Bruno Montpied consacré à Unica Zürn, poétiquement (mais bizarrement) rapprochée de Peter Pan. L’auteur, avec l’entrain que les Animuliens connaissent, réagit à l’exposition récente de la Halle Saint-Pierre. Il égratigne au passage Jean-Louis Lanoux, l’un des auteurs du catalogue, soupçonné de penser qu’il n’est de bons surréalistes que suicidés. Il s’emploie à nous présenter les rapports Zürn-Bellmer à la façon d’«un ballet de voyants étroitement enlacés», ce qui est peut-être un peu idéal.
00:35 Publié dans Gazettes, In memoriam, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Louise Fisher, Unica Zürn, art brut | | Imprimer | | |
09.04.2007
D'Hauterives à Lens-Lestang
Une chose en entraînant une autre, faut pas j’oublie de vous conseiller de vous grouiller pour rendre visite au Palais du bon Cheval. Dans 5 ans d’ici il aura sans doute fondu comme un bonbon sous la langue d’un galopin de cours élémentaire.
Usé par le passage de millions de claquettes et de basquettes, érodé par le frottage de tant de mains et de derrières baladeurs.
Si les créations d’art brut sont menacées par l’indifférence, elles le sont aussi par le succès touristique à son stade industriel-ravageur. On ne piétine plus le Parthénon, on ne tourne plus autour des pierres de Carnac.
Je me demande pourquoi on ne laisserait pas le Palais idéal respirer tranquille. Avec un peu de recul, il n’en est pas moins extra et on pourrait exploiter mieux les moyens de médiatisation modernes. Pour une fois ça se justifierait. Heureusement, la création d’art c’est comme le chiendent. Arrachée ici, elle repousse à côté.
Pas plus loin que dans le village voisin de Lens-Lestang, sur la D 538, en direction d’Hauterives, l’œil de l’automobiliste est attiré par la touchante et modeste installation d’un monsieur surnommé « le marin » en raison de son passé de matelot et des beaux tatouages (un aigle, un Christ, un indien coiffé de plumes) qui ornent ses bras et ses épaules.
Faut voir comment ça chante sous le soleil d’avril toutes ces pierres, ces objets que cet homme affable et spontané a trempé dans la couleur bleue, orange ou vert d’eau et disposés en savant désordre devant l’entrée de son petit domaine et sur la façade de sa maison séparée de la route par un fossé profond.
Amateur de machines à coudre,
de moules à gaufres, de serpes, de cafetières, monsieur G. le marin (qui a touché aussi à la brocante) s’est plu à donner à ces vestiges une seconde chance.
En dehors de tout mobile artistique, ça va de soi, son truc à lui étant plutôt les moutons qu’il abrite dans des cabanes malicieusement pourvues par ses soins de pancartes récupérées du genre : LIBRAIRIE
21:50 Publié dans Glanures, Sites et jardins, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ferdinand cheval, art brut | | Imprimer | | |
01.03.2007
Hommage jazzy au facteur Cheval
Et maintenant … miousic ! On sait que je n’y connais rien mais ce n’est pas une raison pour fermer ses oreilles. Musique et Facteur.
Non, ce n’est pas du joufflu Olive et de ses 500 signatures dont je veux vous parler mais du roi des facteurs, j’ai nommé Cheval Ferdinand.
Un hommage musical à son célèbre Palais idéal, c’était fatal, ça devait arriver un jour.
C’est chose faite depuis la sortie le 22 février 2007, aux éditions Le Chant du Monde d’un album du pianiste Edouard Bineau intitulé L’Obsessioniste. Une suite de pièces pour piano seul ou pour piano et clarinette (en duo avec Sébastien Texier).
Toutes ont, parait-il, un lien avec le site ou avec son créateur. A vous de voir, je veux dire d’entendre. C’est lors d’un concert à Hauterives en 2004 dans le cadre d’un festival que l’idée de cet hommage serait venu à Bineau. «Folie et poésie, tendresse et provocation, légèreté et puissance, mégalomanie et humilité» tels sont les mots qui viennent à la bouche de ce musicien quand il évoque cette rencontre. A la réflexion ça fait un bon programme, Animula vote pour.
23:00 Publié dans Zizique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ferdinand cheval, art brut | | Imprimer | | |
15.02.2007
Village Voice chante faux
N’en déplaise à Mikael Angel, l’exposition Ramirez est en passe de rendre oufs nos Rouletabille d’outratlantique. Le déconophone est ouvert à plein régime et c’est à qui assaisonnera son potage avec l’hénaurmité la plus carabinée qui se puisse écrire.
La preuve en est cette audacieuse déclaration inaugurale dans un article du Village Voice du 8 février 2007 titré Broken Angel : «Martin Ramirez is the 20 th-century Fra Angelico» !
C’est un certain Jerry Saltz qui mêle ainsi son grain de sel dans un concert qui prend la tournure d’une opération de propagande concertée. Soyons reconnaissants à cet auteur qui a le mérite de clamer sans vergogne ce que d’autres se contentent de suggèrer mezzo-voce.
Loin d’être coiffé des grelots, Ramirez était, selon Jerry (Jerry !, Jerry ! Jerry !) sain comme l’œil, très cultivé et brillant dessinateur. Voilà tout. Encore un peu et vous verrez que s’il se taisait c’était faute de parler bien l’américain. N’hésitant pas, sans preuve d’aucune sorte étayée par des documents psychiatriques et en l’absence du principal intéressé, à rectifier le tableau clinique, Saltz l’affirme bien haut : Ramirez après avoir été ramassé par la police pour vagabondage «was then misdiagnosed as schizophrenic, catatonic, and manic depressive».
Mais puisqu’on vous dit que ses madonnas nous ramènent à Ingres aussi bien qu’aux vases grecs de l’antiquité ! Vous êtes dur de la feuille quand même !
La prochaine fois, je demanderai la recette de «l’oreille de porc à la Van Gogh» à Jules-Edouard Moustic. Banzaï !
00:50 Publié dans Ailleurs, Expos, Gazettes, Nos amies les bêtes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : martin ramirez, art brut | | Imprimer | | |
09.02.2007
Le mur de Martias
De Rouen à Sotteville-lès-Rouen, il n’y a qu’un pas et votre petite âme errante le franchit d’autant mieux qu’elle a reçu sur sa messagerie des tas d’ encouragements à poursuivre son bla-bla malgré la crève qui lui coupe le sifflet.
«J’ai été pas mal en accord spirituel avec toi» lui sussure-t-on d’un pays voisin.
«Ta note se rapportant aux travaux de Charbonnier est fascinante» lui murmure-t-on d’outre-Atlantique.
Quant à l’image du sieur Aulard dans son commentaire du 22 janvier à HP Réalités de 1955 : «un dessinateur qui ouvre des fenêtres très serrées les unes aux autres», elle provoque chez une de mes lectrices cette interrogation : «Faudrait-il voir aussi dans les sculptures de Martias, taillées sur les pierres du mur d’enceinte de son hôpital, des fenêtres ouvertes sur l’imaginaire, une tentative de désincarnation désincarcération ?».
Mais qui est ce Martias dont elle nous parle ? J’ai enquêté dans mon environnement de réducteurs de têtes et j’ai reçu des précisions tout ce qu’il a de claires de madame Béatrice Steiner, double-psy de son état. Comme c’est déjà tout rédigé, je vous en fait profiter tel quel parce que c’est l’heure de mon antitoussif.
Adrien Mesmin Martias a été admis à l’hôpital psychiatrique de Sotteville Lès Rouen le 4 février 1932 dans un pavillon «d’aliénés difficiles». Il y est mort de dénutrition comme des milliers de malades mentaux pendant la guerre, le 11 février 1943, à l’âge de 42 ans.
Après cinq années de tension et d’agressivité restées dans la mémoire des soignants de l’époque, un apaisement progressif se produit et s’installe de façon durable alors qu’il entreprend une activité de sculpture sur les pierres du mur fermant la cour du pavillon, ouvrant un espace de liberté au lieu même de l’enfermement.
Ce mur fut démoli en 1962 et nous devons à la vigilance du Dr Roland Beauroy la conservation d’une trentaine des pierres sculptées par Martias avec un simple silex, une clé de boîte de sardines ou un moignon de cuiller. Tous les renseignements médicaux ont disparu dans les destructions de la guerre. Ne restent que des témoignages et quelques informations administratives recueillies par le Dr Paul-Edmond Huguet et publiées en 1964 avec le Dr Beauroy aux Annales Médico-Psychologiques. Jean Dubuffet s’est intéressé à ces travaux comme en témoigne un courrier de 1965.
Le Dr Huguet a confié sept de ces pierres sculptées à la Section du Patrimoine de la Société Française de Psychopathologie de l'Expression et d'Art-thérapie. Elles ont été exposées à Athènes en 2004 lors de l'expositon L'autre rive
23:55 Publié dans De vous zamoi, Jadis et naguère, Musées autodidactes disparus | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : adrien martias, art brut | | Imprimer | | |